Affichage environnemental : pourquoi est-ce donc si long ?
Publié le 11/2/2023, 12:30 PM
Mis à jour le 12/15/2023, 11:28 AM
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On en entend parler depuis des années ; il s’invite régulièrement dans le débat public ; il soulève parfois controverses et polémiques. Et pourtant, rien de concret n’a encore vu le jour. 

Pourquoi l’affichage environnemental, ce dispositif visant à informer les consommateurs sur les impacts environnementaux des produits ou services qu’ils achètent, met-il tant de temps à s’imposer ?

 

L'histoire de l'Affichage Environnemental

Pour comprendre les enjeux complexes de sa mise en œuvre, un peu d’histoire et de contextualisation semblent nécessaires.

L’affichage Environnemental trouve son origine dans le Grenelle de l’environnement, un processus de concertation lancé en 2007 entre l’État, les collectivités territoriales, les associations, les syndicats et les entreprises, pour définir les grandes orientations de la politique écologique française. 

L’expérimentation d’un affichage environnemental sur les produits de grande consommation a été l’une des mesures adoptées lors du Grenelle.

Réalisée entre 2011 et 2013, elle a mobilisé 168 entreprises volontaires représentant plus de 80 secteurs d’activité. Plus de 1.000 produits ont été évalués selon une méthode basée sur l’analyse du cycle de vie (ACV) et prenant en compte les impacts environnementaux d’un produit tout au long de sa chaîne de production, de distribution et d’utilisation. Les résultats ont été affichés sous différentes formes : notes (A, B, C, D ou E), scores (sur 100), pictogrammes ou logos.

Le bilan de cette expérimentation fut globalement positif.

Il a montré que l’affichage environnemental était techniquement possible pour la plupart des produits, qu’il était compris et apprécié par les consommateurs et qu’il pouvait avoir un effet incitatif aussi bien sur les comportements d’achat que sur les pratiques des producteurs.

Il a également permis d’identifier les limites et les difficultés du dispositif, notamment la complexité et la variabilité des méthodes d’évaluation, le manque de données fiables et représentatives, le risque de confusion ou de tromperie des consommateurs, ou encore le coût et la charge administrative pour les entreprises.

Fort de ce constat et encouragé par le développement croissant d’initiatives privées, le gouvernement a décidé de poursuivre le déploiement de l’Affichage Environnemental, en s’appuyant, notamment, sur les travaux réalisés par l’ADEME (Agence de la transition écologique) ; celle-ci ayant développé des outils techniques et méthodologiques pour faciliter et harmoniser l’évaluation des impacts environnementaux des produits :

  • Une base de données nationale sur les impacts environnementaux des productions agricoles (Agribalyse®), lancée en 2013 et mise à jour régulièrement.
  • Une base de données générique sur les impacts environnementaux des produits manufacturés (Base Impacts®), créée en 2016.
  • Un cadre normatif pour la réalisation des ACV (BP X30-323-0), publié dans sa première version par l’AFNOR en 2011, puis dans une seconde version en 2015 et enfin par l’Ademe en 2022
  • Des référentiels sectoriels basé sur le cadre d’analyse du cycle de vie (ACV)

Ces différents outils ont permis de soutenir le développement de l’Affichage Environnemental dans 5 secteurs prioritaires identifiés par la Feuille de Route Économie Circulaire (FREC) en 2018 : l’ameublement, le textile, les hôtels, les produits électroniques et l’alimentaire.

Des groupes de travail ont été constitués avec les acteurs concernés pour définir les modalités d’affichage adaptées à chaque secteur. Des visuels types ont été proposés, reprenant le principe d’une note ABCDE accompagnée d’un score sur 100 et d’une indication des principaux impacts environnementaux du produit.

De son côté, depuis 2013, la Commission européenne a engagé un programme sur l’empreinte environnementale des produits (PEF) qui a inspiré de nombreuses initiatives privées lors de la seconde expérimentation française entre 2020 et 2021, notamment dans le secteur alimentaire.

Cette dernière, lancée dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire (AGEC) de 2020, prévoit la conception et la mise en place d’un système d’Affichage Environnemental des produits alimentaires. Dix-huit projets ont été proposés et testés sur une période de dix-huit mois, parmi lesquels la Note Globale, l’Eco-score ou le Planet-Score.

Cette seconde expérimentation a fait l’objet d’un bilan du Conseil scientifique en octobre 2021 puis d’un rapport du gouvernement transmis au Parlement en mars 2022. Elle a montré que la mise en place de l’Affichage Environnemental était techniquement possible pour les produits alimentaires, qu’elle permettait de fournir aux consommateurs des informations pertinentes sur les enjeux environnementaux des produits, à large échelle et à coûts acceptables.

Toutefois, ces méthodologies devaient être approfondies et testées avant toute généralisation.

C’est la raison pour laquelle différents comités techniques procèdent depuis le second semestre 2022 aux ajustements méthodologiques nécessaires identifiés lors de l’expérimentation. Après plusieurs années de tests, la méthode a été présentée aux parties prenantes au printemps 2023, mise en discussion avec l’objectif d’une finalisation et validation d’ici fin 2023 et un déploiement officiel dès le début de l’année 2024.

Pour le moment volontaire et encadré, l’Affichage Environnemental pourra être rendu obligatoire, en cohérence avec l’ambition affirmée à travers la loi Climat et Résilience de 2021 ; une obligation qui devrait entrer en application dès 2025 pour les secteurs Alimentation et Textile.

Il aura donc fallu treize années de travail et la mobilisation de nombreux experts, institutions, pouvoirs publics et industriels, pour co-construire un dispositif complet, scientifiquement robuste et basé sur des critères objectifs et vérifiables. Sa mise en œuvre n’aura pas échappé à certaines réserves ou objections qui auront permis de nourrir les débats et les réflexions. Elles ont principalement été défendues par :

  • Des associations de défense des consommateurs craignant que cet affichage soit trop complexe, peu lisible ou trompeur pour les consommateurs
  • Des organisations professionnelles du secteur agroalimentaire redoutant que cet affichage nuise à la compétitivité de leurs produits, en les stigmatisant ou en les comparant de façon injuste à d’autres produits.
  • Des associations environnementales estiment cet affichage insuffisant, voire contre-productif, pour réduire l’impact environnemental de la consommation.

La question de son adoption par les acteurs privés sur le marché des produits alimentaires se pose donc désormais.

 

Les enseignements du Nutri-Score

Pour y répondre, l’analyse des conditions du déploiement de son grand frère nutritionnel, le Nutri-Score, peut constituer une source d’enseignement.

Proposé en 2014 auprès du ministère de la Santé par un consortium de scientifiques, ce n’est que 3 ans plus tard que ce score qui informe sur la qualité nutritionnelle des aliments fut entériné par l’arrêté du 31 octobre 2017.

Après un démarrage frileux en France, il a progressivement gagné la confiance des entreprises et des consommateurs. En 2020, Nestlé a ainsi annoncé son plan de déploiement du Nutri-Score dans cinq pays européens : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la France et la Suisse. En octobre 2021, le Parlement européen, dans le cadre de la stratégie "De la ferme à la table", a voté pour un système harmonisé et obligatoire d’étiquetage nutritionnel sur les emballages au niveau de l’Union européenne. Dès 2022, la part de marché des marques engagées dans la démarche Nutri-Score en France était estimée à 58% des volumes de ventes selon le bilan annuel de l'OQALI.

Plus de huit années ont donc été nécessaires au dispositif pour dépasser le seuil des 50% et il plafonne désormais. Concertation, co-construction, expérimentation, adoption, déploiement… le temps long et séquencé du déploiement s’impose malgré l’urgence d’un enjeu de santé publique de premier plan. Il révèle la délicate atteinte d’un consensus entre acteurs aux enjeux parfois divergents voire opposables.

Un parallèle logique semble ainsi pouvoir être fait avec l’Affichage Environnemental. Sans obligation étatique, il est donc probable que celui-ci suive une trajectoire similaire.

 

Les enjeux auxquels répondre

Une question se pose donc face à ce déploiement en demi-teinte. Seuls les produits les plus vertueux des marques nationales font-ils l’objet d’une notation ? 

On pourrait à première vue le penser à la lecture du dernier bilan annuel OQALI. Il indique que 86% des produits des marques nationales qui apposent le Nutri-Score présentent une note entre A et C sur leur emballage contre seulement 60% pour les marques distributeurs. Pourtant, ces chiffres doivent être nuancés. En effet, les produits sous marque distributeur ayant adopté le Nutri-score représentent plus de 23 000 références contre moins de 8000 références en marque nationale... Et les résultats sont encourageants. Une enquête réalisée par l’UFC Que Choisir en 2022 a ainsi montré qu’entre 2015 et 2022, les rayons ayant largement adoptés le Nutri-score ont vu leur recette s’améliorer sur le plan nutritionnel. En revanche, pour certains rayons comme les biscuits, les gâteaux industriels ou les sauces dans lesquels ce dispositif reste très marginal, peu d’amélioration ont été constatées.

En l’absence d’obligation plusieurs questions se posent :

  • L’Affichage Environnemental sera-t-il confronté au même plafond de verre que le Nutri-Score ?
  • Le rendre obligatoire est-il inévitable pour garantir son adoption large ?
  • Faut-il trouver un juste équilibre entre une harmonisation au niveau européen et international, tout en respectant les spécificités locales et les modes de production ?
  • Comment communiquer simplement et de façon claire et objective sur son impact sur la société ?

Ces questions non exhaustives montrent à quel point la mise en œuvre de ce dispositif répond à des enjeux à la fois ambitieux et complexes qui nécessitent une réflexion collective et une expérimentation rigoureuse.

C'est la raison pour laquelle un comité de pilotage interministériel et un conseil scientifique ont été mis en place pour encadrer l'expérimentation. Ils ont pour mission de définir les modalités techniques et méthodologiques de l'Affichage Environnemental, d'assurer son suivi et son évaluation, et de proposer des recommandations pour son déploiement.

Au-delà des polémiques et débats qu’ils peuvent susciter, le Nutri-Score et l’Affichage Environnemental ont le mérite d’exister et d’engager l’ensemble des parties prenantes dans une démarche constructive. Ils démontrent aussi et surtout que des outils simples et concrets visant à éclairer le consommateur dans son acte d’achat fonctionnent. Une clé essentielle pour orienter nos actes d’achat dans une voie plus sobre et responsable.

 

Auteur : Alexandre Francin

 

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